Méthodologie de l'enquête
Préparation des entretiens

Christophe Lejeune
Cette page a fait partie des supports des travaux pratiques du cours de méthodologie des sciences sociales jusqu'en 2004 (première partie). Ces notes sont conservées ici car elles se sont avérées utiles à d'autres personnes que les étudiants qui ont suivi ce cours.

N'oubliez pas la visée exploratoire de ces entretiens.

Avec qui prendre rendez-vous

Les personnes ressources sont des personnes qui, par leur experience pratique, pourraient vous en apprendre beaucoup sur votre sujet. Selon votre sujet, réfléchissez aux organismes, asbl qui s'occupent de ces thèmes. L'idée est de localiser des personnes qui sont en contact avec de nombreux acteurs du type de ceux qui vous intéressent. Un syndicaliste rencontre beaucoup d'ouvriers, un prof ou un PMS beaucoup d'élèves. Il peut s'agir aussi de personnes devenues expertes en un sujet. Le journaliste comme spécialiste de l'opinion, l'ergonome ou le designer industriel comme spécialiste de l'environnement de travail, le comité de quartier comme spécialiste des questions de conflits d'implantation ou d'avis d'urbanisme (réfléchissez, soyez fins et inventifs, investiguez bien votre sujet et pensez aux acteurs qui prennent la parole dans le débat public).

Vous devez décrocher 2 rendez-vous avec 2 personnes différentes (pas deux commercants ou deux militants ou deux membres de la mème organisation car il faut diversifier vos sources).

Prise de rendez-vous

Avant l'entretien, assurez-vous que la personne est bien d'accord que vous l'enregistriez (demandez-le au téléphone lorsque vous prenez rendez-vous). Réalisez le rendez-vous à deux (un s'occupe de l'enregistrement, l'autre mène l'entretien). Ça permet un débrayage lorsque le meneur s'essouffle. Soyez vigilant au statut et à la profession de la personne que vous rencontrez (d'autant que c'est souvent pour cette activité que vous avez choisi de le/la rencontrer).

Je vous conseille donc d'essayer de désamorcer le plus possible cette influence du statut (pas pendant les heures de services ni dans un commissariat, une salle de rédaction ou un tribunal, pas dans un bureau, quel qu'il soit... le mieux, ce serait peut-etre à son domicile... mais bon, on ne peut pas l'y forcer). L'entraîner dans un milieu inconnu est également une mauvaise idée (surtout s'il s'agit de "votre milieu" : pas d'entretien à l'intérieur de l'unif, donc) : face à l'inconnu, votre interlocuteur risque de se retrancher derriere son r&ocic;le et les rassurantes habitudes de sa profession.

Il faudrait donc un milieu détendu, pour lui comme pour vous (un café pas trop bruyant pourrait convenir).

La préparation d'un entretien non directif

L'Introduction ne doit pas ètre trop courte évidemment.Présentez-vous, ainsi que votre projet d'enquète

En effet comment espérer que votre interlocuteur parle longtemps si vous êtes lapidaire ou elliptique (en cas de doute sur le sens de ces derniers mots : dictionnaire). Je vous propose le canevas suivant :

  1. Vous vous présentez (étudiants en telle matière, cours du Professeur Untel, dans telle université).
  2. Vous présentez le thème global de votre recherche
  3. Vous insistez sur le fait que tout ce qui touche à ce sujet vous intéresse mais que certaines questions vous préoccpent plus particulièrement : vous présentez ces questions en veillant à rester neutre (donc "on voudrait connaître le rôle du cannabis sur la vie sociale" et surtout pas "on voudrait comprendre pourquoi les fumeurs sont associaux"... bon, je caricature : en clair, l'énoncé du thème doit toujours autoriser la réponse inverse à celle que vous donneriez personnellement). Essayer de ne pas trop orienter votre interlocuteur.
  4. Vous terminez votre introduction par demander à la personne de commencer par se présenter, ainsi que son travail et les liens avec ce dont vous venez de parler.

Voilà.
Vous en faites ce que vous voulez mais le fait de procéder dans cet ordre a fait ses preuves...

La préparation d'un entretien semi directif

Évidemment, pour un entretien semi-directif, l'introduction est plus courte : le point 3 peut etre plus court, car la possibilité de faire plus de relance permet d'introduire progressivement ces thèmes (et leurs sous-thèmes). Cette démarche offre l'avantage d'étre exploratoire.

Vous devez en outre préparer un grille d'entretien : pensez au thèmes qui vous intéresse VOUS, pour VOTRE enquete. Pensez a la maniere de les aborder le plus diplomatiquement possible. Regrouper les thèmes cohérent entre eux en quelques points sur une feuille de papier.

Il doit s'agir de quelques mots, uniquement, cette grille est un aide mémoire : elle ne peut en aucun cas contenir des phrases ou des questions entières

Semi ou non : justification

Vous devrez penser à justifier le choix du non (ou semi) directif pour votre interlocteur (important pour la rédaction du rapport final).

Exemples

Le mode de l'entretien

Ne confondez pas ces entretiens exploratoires avec le moment de recueil des données qui constitue le coeur de votre enquête (et qui se déroulera plus tard lors de la passation des questionnaires).

N'oubliez pas les raisons qui vous ont motivé à rencontrer cette personne (voir point "avec qui...")... Votre interlocuteur est intéressant pour vous car il peut vous parler des pratiques des personnes avec qui il est en contact dans son travail, que son association coordonne ou rassemble et qu'il représente lors de cet entretien. Dès lors, lui demander des infos personnelles est tout simplement inutile, sans intérêt et risque même de perturber le bon deroulement de l'entretien : la personne pense que vous la renconter pour sa "grandeur" publique, sa capacité à embrasser du regard un large panel de situations particulières dont il a connaissance (et sur laquelle il peut vous renseigner). Si, plutôt que de vous adresser à votre informateur sur le mode du topo, vous lui demandez des informations, il risque de s'étonner et peut-être meme d'être déçu, ce qui nuira à la suite dans son implication à répondre.

Registre de langage

Exprimez-vous simplement. Évitez les emphases et les beaux mots appris à l'université (profil socio-économique, sociétal, facteur d'intégration) : le point minimal pour la bonne conduite d'un entretien est d'installer une relation de confiance... qui aurait peu de chance de réussir si votre interlocuteur à l'impression que vous voulez le snober, l'épater ou tout simplement s'il ne vous comprend pas. L'erreur habituelle de l'étudiant universitaire est de ne pas s'adapter au niveau de son interlocuteur . Donc essayez de vous exprimer simplement (j'ai envie d'écrire "normalement").

Les relances

Les relances sont utilisées aussi bien dans les entretiens directifs que non directifs.

  1. Elles vont du hochement de la tète à "mmm" "oui" "en effet" (celles-ci encourage la poursuite de l'entretien, elle confirme l'écoute et ont en ce sens une fonction phatique, on les considère non-directives).
  2. On peut également utiliser des relances d'explicitations "c'est-à-dire...?" ou "qu'est ce que vous entendez par là", qui sont légèrement plus directives.
  3. Enfin, "vous avez évoqué X, pourriez vous nous en dire un peu plus" ou "je vois que vous connaissez bien Y, que pouvez vous nous dire de X". Ce troisième type de relances doit cependant (comme vous le savez) être manipulées avec précaution (je vous renvoie a la répetition de Frédéric). Elle ne doivent pas venir trop vite ni trop tôt. Ne craignez pas les "blancs" : ils permettent de faire une pause, une respiration après laquelle votre interlocuteur peut très bien rebondir de lui-même sans que vous interveniez.

Réservez vos relances pour les moments où la personne a l'impression "d'avoir fait le point sur la question". Et n'oubliez pas que les deux types d'entretiens se différencient plus par le type de relances qu'ils mobilisent (non ou semi-directives) que par leur nombre !

Misc

Attention aux questions orientées vers le futur : elle invite l'acteur dans une la pure spéculation (à mon avis sans intérêt pour un sociologue)
Éventuellement une ou l'autre question du genre : quelles sont les critiques et propositions que vous entendez formulées autour de vous : quel est votre avis sur ces critiques, que pensez-vous de ces propositions.

Bon travail !

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