Méthodologie de l'enquête
La rédaction du questionnaire

Christophe Lejeune

Cette page a fait partie des supports des travaux pratiques du cours de méthodologie des sciences sociales jusqu'en 2004. Ces notes (deuxième partie) sont conservées ici car elles se sont avérées utiles à d'autres personnes que les étudiants qui ont suivi ce cours.

Ici, on vise un questionnaire d'administration indirecte en face à face.

1. Avant toute chose, un brainstorming en équipe

2. Rédaction du questionnaire

Je vous propose de réaliser un questionnaire d'une vingtaine d'items sur votre sujet spécifique et d'une quinzaine sur l'identité de la personne (statut socioprofessionel / données socio-démographiques). Variez les types de questions afin de montrer que vous maîtrisez les differentes techniques (binaires ou non, choix dans une liste, classement, échelle de propositions attudinales).

Poser des questions univoques (lever les ambiguïtés).

Langage clair, précis mais pas technique (n'oubliez pas que vous aller rencontrer des personnes de tous les milieux socioculturels ; les mots transcendance -concept philosopique- ainsi qu'habitus -concept sociologique- ou systémique -concept psychologique- sont interdits). Pas de phrase ou de question alambiquée ou trop longue.

Désirabilité sociale (« Êtes-vous sympa ? » est une question inutile)

Question neutre ; pas de « c'est bien non ? » mais « que pensez-vous de ? »

Problème de la mémoire (« qu'avez vous fait l'année dernière à la même heure ? »). Il est souvent intéressant de recontextualiser plutôt que de demander ce que les gens font en général (ce dernier type de question risque générer des réponses en termes de désirabilité sociales, non en termes de pratiques effectives mais plutôt en termes de pratiques perçues comme normales). « Rappelez-vous, quel forme avait le dernier OVNI que vous ayez vu ? » plutôt que « Quelle forme ont les OVNI ? »

Évitez toute négation (simple ou double) (ça trouble)

Évitez les « ou » (« vous pensez que x ou que y ») qui concatènent 2 questions en une.

Structurer le questionnaire :

Regrouper les propositions attitudinales ensemble lorsque c'est possible.

Le flou des catégories est parfois plus sûr (pratiques sexuelles, âge, salaire, niveau de formation)
[ce serait dommage que le répondant "triche" ou ne vous réponde pas]

Se rappeler les effets de halos, surtout s'il y a plusieurs modalités.

Prévoir des modalités neutres (en espérant qu'elles ne concernent pas trop de répondant : « sans avis » ou « pas concerné »). [NB : l'orphelin ne déclare pas la profession de ses parents]

Les réponses ouvertes sont pour la plupart inexploitables (importance de la préparation, du pré-test et de consulter les gens qui vous encadrent)

Prévoir précisément les modalités de réponse (et varier les types, afin de nous montrer que vous maitrisez les spécificités de chacunes d'entre elles)  :

Échelle attitudinale

Exemple : « les aliens sont nos amis » Vous êtes :

1_Pas du tout d'accord 2_plutot pas d'accord 3_plutot d'accord 4_tout à fait d'accord
Lorsque vous utilisez des échelles de ce type, je vous suggère de rassembler toutes les questions (ou plus exactement, toutes les propositions) concernées par une évaluation (ou attitude) en termes d'accord et de faire précéder celles-ci d'une instruction du type :
" Je vais vous citer un ensemble de phrases qui concernent X ; pour chacune de ces phrases, vous me direz si vous êtes tout à fait d'accord, plutôt d'accord, plutôt pas d'accord ou pas du tout d'accord "
Afin d'etre cohérent avec cette instruction, les phrases se doivent d'être des affirmations (donc, pas de questions), il faut en enlever les pondérations du type "selon vous" ou "à votre avis" et éviter (absolument) les négations.

Échelle de mesure : fréquence, durée, quantité, qualité
On rencontre souvent des échelles du type suivant dans les ébauches de questionnaires :

Jamais Rarement Souvent Toujours

Néanmoins, il est loin d'être sûr que cette échelle soit symétrique (4 adverbes différents).
Pour construire une échelle de fréquence, il existe plusieurs solutions :
  1. Échelle dite subjective
    C'est l'évaluation du répondant que l'on cherche à récolter, mais on n'est absolument pas informé de la correspondance de ce vécu avec une tempralité qui lui serait externe.
    Tout à fait fréquemment Plutôt fréquemment Plutôt pas fréquemment Pas du tout fréquemment

    Le principe est donc simple et se calque sur celui utilisé dans les échelles d'attitude. Aux quatre adverbes quantificateurs, on adjoint un adjectif exprimant ce que l'on demande au répondant d'évaluer : la fréquence (fréquent); la quantité (nombreux); la qualité (bon); la durée (long);...etc...
  2. Échelle dite « objective »
    Ici, on impose une temporalité externe à notre informateur, mais on ne récolte aucune information sur ce qu'il pense de cette fréquénce (cette manière de poser les question ne permet pas de répondre à "est-ce que rencontrer les vénusiens une fois par mois, c'est fréquent ou pas, c'est peu ou beaucoup").
    Plus d'une fois par an Plus d'une fois par trimestre Plus d'une fois par mois Plus d'une fois par semaine
    (cette échelle fonctionne également avec un autre chiffre que 1, avec « moins de » à la place de « plus de » ou des périodes plus longues ou plus courtes selon l'objet que l'on étudie).
  3. Dans la même lignée que ces échelles objectives, une troisième méthode, moins ambitieuse mais peut-être plus sûre, consiste à demander au répondant de se remémorer la dernière semaine écoulée (ou le dernier mois) et de l'intérroger sur ses dernières pratiques effectives. Ce type de question part du principe que fournir un jugement synthétique et global sur de longues périodes est très difficille. En outre, ce type de réponses demande au répondant de produire un calcul du même type que la moyenne statistique afin de répondre de manière correcte (au fond cette troisième méthode part d'une critique de la seconde, qui serait toujours soumise à la première : l'évaluation de la fréquence subjective conditionnant nécessairement la réponse dite objective).
    Bien évidemment, certains rétorquent que cette manière de procéder est plus faillible (la semaine dernière est elle vraiment "représentative" des habitudes de l'acteur rencontré?). Mais cette méthode à l'avantage d'objectiver ces actes, et force le répondant à la précision (évacuation des évaluations "à la louche", et même, dans une certaine mesure, de réponses marquées par la désirabilité sociale ou la volonté de donner une image de soi-meme qui ne correspond pas necessairement aux pratiques effectives).

Statuts
Les questions relatives au statut viennent en fin de questionnaires. Il faut distinguer :

Ces différents éléments sont tous des indicateurs pertients. Demander toutes ces informations dans le même questionnaire est trop lourd pour l'exercice proposé ici. il convient donc de choisir celui qui semble le plus adapté au sujet abordé.

3. Pré-test

Lorsque le questionnaire semble bon, qu'il a été amplement critiqué et corrigé, que votre groupe à connu deux scissions et autant de réconciliations, vous êtes prêts à tester ce questionnaire ; choisissez des personnes qui se sentiront concernées, qui joueront le jeux et qui seront critiques (évitez vos camarades de classes, qui font sans doute les mêmes erreurs que vous suite au conseils mal formulés du répétiteur (moi, évidemment) ; ainsi que les personnes que vous rencontrerez pour l'enquête proprement dites).

Grâce à un chrono, vous pourrez vous rendre compte de la durée de passation (ce sera utile pour la planification de la passation). Un bon questionnaire fait quelques pages (pas de thèse, merci) et dure Œ heures (non aux discours).

Dans le pré-test, figurent des champs ouverts (« autres ») pour chaque question afin que l'on puisse enrichir le questionnaire de réponses « non prévues ».

4. Préparation de la passation

Relisez la page sur les entretiens, vous y trouverez des petits trucs pratiques qu'il est toujours bon de se rememorer.

Le matériel :

Le cadre : comme pour les entretiens, éviter les perturbations : pas dans un bureau ou un endroit trop bruyant, éviter la proximité d'un téléphone, la personne doit être disponible.

Soyez serein, habillement et attitude neutre (ne choquez pas par excès d'élégance ou de négligence), bien dans votre peau. On a le temps, on est pas speed, tout va bien, on fait le vide, on se calme (il est cependant interdit de fumer un pétard ou de se siffler un whisky avant de faire passer un questionnaire)

Aborder. Présenter l'enquête à l'avance.

On n'est pas de la police ; on ne cherche à rien vendre, on est étudiant (ça rassure) préparant un travail pour l'ulg (ça rassure et garantit un certain sérieux)

Votre avis nous intéresse, il n'y a pas de mauvaises ou de bonnes réponses (pas de dichotomie, quoi, pour parler compliqué), toutes les réponses sont bonnes.

5 Passation

Bon travail !

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